SE SOUVENIR DE NOTRE HUMANITÉ

 

 

Tout d’abord, il y a le désir d’être mieux.
Mais voyons, d’où est-ce que je pars ?
Je vous prie, revenons en arrière ou pour certains d’entre nous, arrêtons-nous là, maintenant ; que voyons-nous concernant notre manière de réagir au mal-être ? Car le point de départ de toute vie est la souffrance (même si nous le contestons, du style : « Moi, je n’ai jamais souffert. ») Si nous observons d’un regard ATTENTIF, nous voyons que nous subissons notre mal-être, et le subissant, nous recherchons un mieux-être. Nous espérons guérir et franchement, il y a de quoi avoir envie de ne plus souffrir. Je ne vais pas m’amuser à condamner cette attitude ni l’être humain qui veut sortir de son mal-être.
Dans notre monde social, plein de possibilités sont à notre portée pour nous aider à aller mieux : la psychiatrie avec ses médicaments, l’homéopathie, les drogues dures, le yoga, la télévision, l’herbe, Internet, le sexe, la lecture de polars, de livres traitant de spiritualité, l’alcool, le sport, la nourriture, l’alpinisme, l’ikebana, etc, enfin, tous supports qui pourraient nous sortir de ce mal-être, en définitive, tout ce qui peut nous en éloigner, nous placer au-dessus de lui afin de ne plus le ressentir. Notre objectif est alors : oublier (oui, l’alcool n’est pas le seul moyen pour oublier). Et souvent, très souvent même, nous préférons, et de loin, jusqu’à nos derniers jours, oublier, parce que tout de même, ouvrir les bras à la souffrance n’est pas une mince affaire et je le redis sans aucune forme d’ironie : il y a de quoi avoir envie d’oublier.

Question : le mal-être serait-il d’ordre purement psychologique –psychologie qui inclut le personnage spirituel et non pas l’inverse (inverse qui serait : le personnage spirituel qui comprendrait la psychologie), car n’oublions pas que cette part spirituelle en nous refuse d’entendre parler de psychologie en utilisant pour se faire le mépris, prétextant que le psychologique fragmente l’individu alors que lui, le spirituel l’unifie. Donc, je disais, le mal-être serait-il d’ordre purement psychologique ou d’ordre purement corporel ? Et oui, parce qu’il faudrait encore prouver aux matérialistes et à certains spirituels que le psychologique et le corps ne sont pas séparés, il faudrait encore leur démontrer que leur besoin de se sécuriser crée des désordres neuronaux et donc, inévitablement corporels ! Bon, je vous prie de m’excuser, mais sur ce sujet-là, il y a tellement d’ouvrages parus dont certains sont pertinents que je n’ai aucune envie de m’escrimer à présenter ce qui déjà a été dit maintes fois : le corps est évidemment affecté par notre structure psychologique et tôt ou tard, n’y pouvant plus, il tombe malade, maladies qui, pour certaines, entraînent la mort.
Oui, cette idée que le corps est autonome, non affecté par l’inconscient et que ce corps créerait des problèmes de santé par rapport auxquels nous ne sommes aucunement responsables est une idée qui court les rues : le cancer, c’est de la malchance ou alors c’est héréditaire, tout comme une perte soudaine de cheveux ou que sais-je encore (mieux vaut-il prendre, là, toute la liste des maladies). Mais non, pour ces individus victimes de leur corps, ils n’y sont pour absolument rien si leur corps souffre de dérèglements, d’arthroses et d’eczèma, ils ne sont pas responsables. Et puis, d’ailleurs, certains de la non-dualité s’expriment de manière tellement peu claire que nous pourrions le croire aussi, en disant entre autres : il n’y a pas d’acteur mais il n’y a qu’action (Transmettre la lumière, Jean Klein, p. 121). Bien ! Là, mon cher Jean Klein (et tu n’es pas le seul), t’aurais pu éclaircir un peu ta réponse… parce que, vois-tu, qu’est-ce que cela signifie pour nous qui sommes aveuglés par nos nombreux personnages parce qu’identifiés à eux : que nos actions sont spontanées. Grossière erreur. Je reprends tes propos (toujours p 121 de Transmettre la lumière, sachant qu’il n’y a pas que dans ce livre et qu’à cette page-là que ce type de propos peut être lu) : « Oui, vivez dans votre lumière et l’action apparaît dans votre être, dans votre lumière. » Mais bordel, Jean Klein, t’es aveugle ou quoi ? Tu crois qu’en disant : « Vivez dans votre lumière » d’un coup de baguette magique, nous allons vivre dans notre lumière ? Tu ne vois pas que nous sommes identifiés à notre inconscient (ah, mais c’est vrai, l’inconscient n’existe pas, j’avais oublié. C’est d’ailleurs limite un gros mot dans la non-dualité) et que nos actions sont conditionnées par lui et que de fait, nous sommes agis par lui ! Alors, l’action spontanée, c’est une jolie formulation mais franchement, je ne vois que réactions conditionnées. Et que nous dire : « Vivez dans votre lumière » équivaut à rajouter une couche supplémentaire à notre inconscient pour l’oublier encore davantage et donc nous laisser dans nos identifications inconscientes ! Ah, mais, j’avais oublié : il ne faut pas remettre en question un éveillé, quel qu’il soit. Pourquoi me direz-vous, vous qui lisez pour la première fois cette revue ? Et bien, parce qu’ils sont éveillés et parce qu’étant installés, par ceux qui les adulent, sur un piédestal, il ne faut sous aucun prétexte que cette iconographie bouge ne serait-ce que d’un millimètre et s’en retrouve bancale.
Donc, étant donné que, selon Jean Klein ou Karl Renz ou Wayne Liquorman et d’autres éveillés, nous ne sommes pas l’acteur de nos actes, à quoi cela servirait-il de guérir ?
Autres questions que la non-dualité pose et elle ne sait poser que ce genre de questions : « Qui veut guérir ? Qui guérit ? » Manière de dire : « Il n’y a personne, mon coco, alors laisse tomber, » d’autant plus, et là, c’est la cerise sur le gâteau : « Tu n’y comprendras de toute façon rien, vue qu’il n’y a rien à comprendre.» Bingo ! Cependant, paradoxe ultime, certains de ces chers éveillés nous disent pourtant que nous devons nous connaître (je dis bien certains d’entre eux, Karl Renz, lui, affirme que cela ne sert à rien). Oui, mais, dites-moi, très chers, comment faire si les psy sont nuls et si la psy(chologie, chanalyse et chothérapie) n’est pas valable. « Connaissez-vous, connaissez-vous, oui, mais sans aller chez un psy. Il ne vous y aidera pas, trop identifié qu’il est à sa théorie. » Alors, comment fait-on pour se connaître ? Je crois que, malgré votre éveil, vous avez des idées bien arrêtées dans ce domaine.

Donc, étant donné qu’il n’y a personne, qu’il n’y a pas d’acteur et donc pas de responsable, autant attendre –sans attendre, bien sûr- que la grâce me frappe le ciboulot. Je serai alors indubitablement éveillé. Idiot, mais éveillé. Idiot, mais lumineux. L’éveil n’a de toute façon pas besoin de mon intelligence. L’éveil fait tout. Je vais aller me coucher et faire un gros dodo et demain, je serai éveillé.

Donc, le thème est : guérir le corps, guérir l’âme.
Si vous voulez bien vous donner la peine de réfléchir, oui, parce que moi, je ne suis pas éveillée selon les canons de la tradition hindoue, donc, il faudrait quand même que vous réfléchissiez au cas où je dirai une connerie. Donc, si vous voulez bien vous donner la peine de réfléchir et de regarder VRAIMENT, ça c’est le plus difficile à faire, en fait : REGARDER, VOIR, RESSENTIR, ECOUTER, et DISCERNER VRAIMENT, que constatez-vous, que vois-je ? Que le corps est rempli de nos souffrances. Le corps contient nos souffrances et chaque zone a ses souffrances particulières, un exemple, juste un : une angine, un mal de gorge témoignent de l’angoisse de dire.
Ok, pour cela. Mais encore faut-il le ressentir !!! Le vérifier par nous-même. Et cela, le voulez-vous ou préférez-vous dormir et ressentir juste la vibration du mal de gorge et ne pas poser la question (qui est une perte de temps, selon toujours certains non-dualistes) : pourquoi ce mal de gorge ? Qu’ai-je peur de dire ?

Je passe à la suite : si j’écoute ATTENTIVEMENT, ce n’est pas la scission corps – âme qui m’interpelle, mais bien plutôt la scission CORPS-MENTAL. Ah, non, je vous assure, l’âme et le mental ne sont pas identiques. Je précise : l’âme, comme la définit le 3ième Millénaire est le « plan psychologique fait des complexes, contradictions, désirs et peurs ». Ok, prenons cette définition. Le mental maintenant : qu’est-ce que j’entends par mental ? Notre construction mentale, celle justement qui nous a permis de ne plus ressentir notre souffrance (voir le début de mon texte), celle qui se trouve dans notre crâne, boite crânienne, tête. Mental : toutes les croyances, idées, idéaux, concepts, préceptes et nous y arrivons, car en fait cet ensemble ne se résume qu’à cela : jugements. Sachant que toute cette construction mentale nous permet de mettre en place l’image à laquelle nous nous identifions et qui nous sécurise, image que nous avons eu besoin de construire afin de nous sentir aimé OU pour ceux qui sont dans la haine et le désir de vengeance, image qui nous fera détester par le plus grand nombre (image qui correspond au meurtrier, au violeur, au dictateur…).

Alors oui, je préfère parler de cette scission CORPS-MENTAL. Et nous sommes la plupart du temps où ? Je vous le donne en mille : dans notre mental. Même lorsque nous disons faire du yoga, du taiji et autres exercices orientaux « merveilleux » (merveilleux qui est un jugement mental), nous ne ressentons pas, NOUS RESSENTONS À PARTIR DE NOTRE MENTAL REMPLI DE SAVOIRS parce que nous avons une peur bleue de lâcher le contrôle.
La scission, où a-t-elle lieu ? La plupart du temps : dans notre cou. Nous sommes coupés en deux : d’un côté le mental, de l’autre le corps. Et il n’empêche que le corps vit cette scission et en souffre cruellement mais bon, nous sommes tellement persuadés de ressentir que ce que je dis ne concerne pas grand monde, cela va de soi. Et puis, comme nous ne sommes ni le corps ni le mental… à quoi bon nous interroger sur le sujet ?

Je reviens là encore aux enseignements non-duels qui prétendent qu’il ne sert à rien de comprendre et donc à nous poser la question : pourquoi ? D’ailleurs, Wayne Liquorman nous le dit (3ième millénaire n°98, p24) : « Le “pourquoi” est une histoire que l’on surajoute à ce qui est, et il y a pléthore d’histoires. Alors vous en prenez une, celle qui vous convient. » Ce qui veut dire, n’ayons pas peur des mots, que notre histoire n’a aucune valeur. Et pour reprendre l’exemple : pourquoi ce mal de gorge ? Quelle image de moi ai-je peur de perdre si je dis haut et fort ce que je ressens ? Ah, oui, tout de même, cet élément est essentiel, car, voici la vérité mes frères et mes sœurs : « Il n’y a rien à comprendre parce que comprendre n’est pas écouter, comprendre n’est qu’intellectuel. » Et couillon ! Je l’avais bien dit : il ne nous reste plus qu’à attendre que la grâce nous tombe dessus ! Il n’y a pas de compréhension vivante qui tienne, la compréhension, selon, là encore, les canons des traditions indiennes qui ont fait leur preuve (soi-disant), n’est qu’intellectuelle et n’apporte qu’un savoir de plus…
Arrêt sur image : je m’interroge sur cette tradition indienne et son inconscient qui n’accordent que peu de valeur à l’humain.
Donc, ne cherchons pas à comprendre, cela est une perte de temps (n’est-ce pas des propos très entendus dans la non-dualité !)

Là, vous allez vous dire (pardon, mais j’ai tellement envie de parler à votre place !!) : « Et bé, la Hélène Naudy, elle est remontée et bigrement en colère ! » Et un éveillé, hein, est-il en colère ? Bien sûr que non. Je précise : là, dans notre mental, il est dit : « Un éveillé n’est jamais en colère. Un éveillé, c’est cool, ma chérie ! » Wouai, mec, et du coup, rebingo : mes propos, et ben, ils ne valent pas grand-chose. Alors ? Et bien, c’est assez simple mon neveu : je suis à coup sûr discréditée si j’éprouve de la colère. Je vais respirer un grand coup, faire mon petit pranayama et hop, la colère, envolée. Ah, mais, j’avais oublié, pour les non-duels : « Je ne suis pas la colère. » Ouf ! Je suis sauvée. Ah et puis, souvenons-nous en tout de même : « Je ne suis pas l’actrice de ma colère. » Re ouf ! Au fond, cette manière de voir me fait penser aux préceptes de l’église catholique : « Quoi que tu fasses, tu pourras toujours te faire pardonner, alors à quoi bon être conscient de ce que tu fais ? » Ici, dans la non-dualité, je conjugue : « Quoi que tu fasses, tu n’es pas responsable étant donné que tu n’es pas l’acteur de tes actes et il n’y a rien à comprendre. » Trop bon, je vais pouvoir agir sans aucun bon sens, alors ! Et puis surtout, ce sera à coup sûr une action spontanée. Et action spontanée égale aucune réflexion. Because réflexion = intellect et l’intellect, « c’est pas bien, il faut être que dans le ressenti. » C’est bien ce que je disais : cette voie ne demande pas que nous soyons intelligents, je peux être un imbécile du moment que je parle comme les éveillés.

Bon, je vais faire une annonce destinée aux enseignants de tous poils : pourriez-vous, si cela ne vous est pas trop demandé, préciser vos propos, s’il vous plait ? Propos qui sont trop souvent abscons, sinon confus et donc qui prêtent à confusion ?

Je reviens aux moutons de la revue : guérir le corps, guérir l’âme ; et je vous promets que ce coup-ci je serai brève :
Tant qu’il y a identification - identification voulant dire que nous ne savons pas que nous sommes identifiés et donc qu’il est nécessaire de se faire aider pour apprendre à ressentir lorsqu’il y a identification, enfin si cela nous tient à coeur- tant qu’il y a identification à notre mental, à notre souffrance, il n’y a aucune possibilité d’écouter notre mental, notre souffrance. Et ceci est un constat. Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas être identifié, je dis : l’identification crée l’aveuglement, l’écoute ne peut donc pas avoir lieu.

Enfin, et je finis ici mon écrit. Je vois : c’est dans l’écoute non dirigée, non intentionnelle, SANS VOLONTÉ, une écoute disponible, qu’a lieu la guérison si celle-ci doit avoir lieu du temps de notre vivant.
Le corps a son propre chemin pour retrouver sa santé naturelle.

Mais, pour moi, la souffrance, qu’elle soit d’ordre psychologique ou d’ordre corporel est mon plus grand cadeau : celui qui m’apprend à ÉCOUTER, VOIR, RESSENTIR, mais aussi ME SOUVENIR, et enfin DISCERNER. Mais tout cela s’apprend et demande d’une part d’avoir le courage d’écouter notre souffrance et d’autre part d’être accompagné.
Le corps et nos souffrances ont besoin de notre écoute tout autant que notre mental et que ses jugements, idéaux… Le mental (et ses connaissances intellectuelles, entre autres) est le moyen commun à nous tous qui nous permet de nous placer au-dessus de la souffrance pour ne plus la ressentir. Tous les aspects de nous souffrant ont besoin de nous, de nous écoutant, bienveillant, radical et discernant. De nous qui n’avons pas peur de nous souvenir. La question pourquoi m’importe tout comme l’histoire de chaque être humain. Dire que la souffrance, la peur, l’envie, se souvenir, s’identifier… sont illusions, est, pour moi, mépriser l’humain, notre humanité.

Hélène NAUDY